Christian Globensky Série CAPC Photographies, 2018

 » Les chaises sont vides, le bouton au sol ne retient aucune porte, la toile écran est blanche, comme si était attendu depuis toujours celui ou celle qui allait la couvrir de couleurs et de traits, les éclairages s’épuisent à mimer le soleil et les pieds des meubles semblent hésiter entre monter et descendre comme d’ailleurs les escaliers abandonnés à eux-mêmes en l’absence de visiteurs. Ce qui se produit ici, dans ces images de Christian Globensky, c’est la description non d’un lieu mais d’un seuil, celui autour duquel vient basculer l’esprit emporté par l’hésitation. Car nul ne peut répondre à la question de savoir si ici c’est l’attente qui gouverne ou simplement l’éternité, celle qui est un peu longue vers la fin, qui commence à fondre.  » Jean-Louis Poitevin

Série CAPC, 24 photographies, 60X90cm, 2018

Comme un témoin de lumière…

 » Comme un témoin de lumière je reçois ces images et laisse mon regard déambuler guettant les phares du port de Bordeaux et découvre finalement un univers où l’œil circule de luciole en luciole. Elles parlent du lieu ces images, le documentent mais surtout le subliment. Elles traquent l’absence et l’éloquence des matières en présence. J’aime que ces photographies lèvent le voile avec indiscrétion mais délicatesse sur des pans d’intimité du lieu. D’image en image se cristallisent des concrétions stratifiées de temps et d’histoire tant de la ville que de l’art. Chacune m’apparaît ainsi, comme une alcôve où d’infinies traces organisent des contre-formes et rabattent l’espace et flotte à sa surface.

La lumière s’y arc-boute et les lignes et légers contrastes se plissent entre les vides pleins annonçant une nouvelle clarté. C’est ainsi que s’insinuant entre les pierres et les arches la matière révèle des mémoires du lieu où semblent se deviner des lignes de différents horizons fictifs. L’horizon des mers des commerces d’épices, celui du fleuve à proximité, ceux des expositions passées et à venir. Là le calcaire des blocs fait paysage. Enfin, je crois. Ici la lumière poudroyante anoblit les chaises les plus banales. Les ombres deviennent le miroir d’un monde où ce qui est bas est comme ce qui est en haut. Un jeu de renversement des sens au cœur duquel le frôlement haptique vient déposer la matière au fond de la rétine. Les vibrations chatoyantes des sols de béton ciré font signe à ce monde de voûtes et arcs en plein cintre majestueux, citation et mise en abyme des ruines gallo-romaines bordelaises. Ainsi, j’ai cette sensation, comme une ritournelle, que l’histoire se projette sur ces écrans, des aplats qui se lisent comme de pures peintures abstraites, sensibles et secrètes… « 

Laurence Gossart, auteure

Au musée d’archéologie, on voit l’histoire par strates, en superpositions, par empilements. Des couches de sens, qui sont autant d’évidences, de preuves, de manifestations de ce que nous avons été, de ce que nous sommes, où plutôt, de ce que nous sommes devenus. Les siècles ont passés, les civilisations se sont succédées, progressant par pas de travers. Le progrès a fait inexorablement son œuvre. Devant ces amoncellements d’objets, d’images que nous foulons à la recherche ce qui n’a pas changé, de l’éternelle manifestation de ce « Je suis là », ici et maintenant — et pour toujours.

Quelques livres triés sur le volet sont aussi d’imparables traversées historiques, aux frontières de l’esprit humain. La mort de Virgile, d’Hermann Broch, est l’un de ceux-ci, à mi-chemin entre le temps d’Homère et celui de Dostoïevski, puis d’un futur encore non attesté. Réappropriation d’une esthétique que l’on croyait impossible à dupliquer, trésors enfouis dans nos gènes, nous en exhumons le plus précieux des dons fait à l’humanité, comme nous tenons un nouveau né dans nos bras.

Le CAPC (centre d’arts plastiques contemporains), s’installe dans les années soixante-dix dans l’Entrepôt Lainé à Bordeaux, un ancien entrepôt de denrées coloniales, qui sera réaménagé au cours des années suivantes. Aux croisements entre l’architecture industrielle, religieuse et carcérale — les employés de l’entrepôt ont laissé leurs marques peintes sur les murs (dont certaines sont toujours présentes aujourd’hui) , Andrée Putman apportera un supplément d’âme sans égale à ce musée. En faisant sienne cette définition de la modernité empruntée à Charles Baudelaire : « l’éternel dans l’instant », la designer nous rappelle que pour Baudelaire, la modernité : « ce n’est jamais nier le passé, mais c’est le revoir autrement ».

Christian Globensky

Galerie 4M2 CAPC GLOBENSKY 2019